Un million d’emplois verts: Défi pour les Canadiens et les Canadiennes

Quebec. April 2015

Quebec. April 2015

Au Canada, une alliance de groupes syndicaux, écologistes, confessionnels, de jeunesse, de défense de l’intérêt public et de membres des Premières nations s’est formée sous le nom de Réseau pour une économie verte afin de mettre en pratique les principes en question en incitant à la création d’un million d’emplois verts au Canada d’ici cinq ans.

Le Congrès du travail du Canada (CTC) a adopté dernièrement sa déclaration à la CdP 21 qui souligne que les changements climatiques influencent déjà les régimes de production et de consommation dans de nombreux secteurs de notre économie.

Le fait que le Groupe d’experts intergouvernemental des Nations Unies sur l’évolution du climat (GIEC) nous mette en garde que le rythme actuel des émissions consomme déjà le budget de carbone mondial entier indique clairement que les forces du marché n’assureront pas à elles seules une transition propre à prévenir les changements climatiques catastrophiques.

Les gouvernements doivent agir pour le bien commun et dans l’intérêt du public. Vu l’élection d’un nouveau gouvernement à Ottawa, le Canada est en mesure de s’engager à atteindre des objectifs ambitieux mais réalisables et fondés sur des données scientifiques pour réduire considérablement les émissions de gaz à effet de serre.

Pendant la CdP 15 tenue à Copenhague en 2009, le Canada s’est engagé avec les autres pays membres du G8 à réduire ses émissions de carbone de 80 % d’ici 2050. Cela comporte une réduction des émissions d’au moins 38 % par rapport aux niveaux de 2005 d’ici 2030. Nous incitons le gouvernement fédéral à s’engager de nouveau, au cours de la CdP 21, à atteindre au moins cet objectif.

Comme l’Allemagne et l’Australie l’ont fait à l’égard de leur industrie du charbon, nous devons réglementer de façon proactive l’industrie du pétrole du Canada et freiner l’expansion de l’exploitation des sables bitumineux, qui demeure le secteur de l’économie où les émissions de gaz à effet de serre augmente le plus rapidement, même si les prix du pétrole baissent.

Cela nécessite une transformation industrielle appréciable en vue de l’instauration d’une économie générant peu sinon pas de carbone. Cette transformation éliminera ou transformera des emplois actuels, ce qui engendrera probablement une résistance au changement qui risque de compromettre l’établissement d’un consensus social dont le Canada a grandement besoin pour aller de l’avant.

Pour vaincre cette résistance, il y a lieu d’adopter une stratégie de transition équitable appuyée par les travailleurs et les travailleuses, les employeurs et les gouvernements et visant à créer des emplois et à assurer la formation et l’éducation des travailleurs et travailleuses déplacés. Cette stratégie doit englober des mesures de soutien social, de réemploi et de dédommagement et être établie avec la participation des travailleurs et travailleuses et de leurs représentants.
Ces mesures doivent aller de pair avec les efforts faits pour lutter globalement contre le chômage, car l’augmentation des émissions de CO2 et les pertes d’emplois découlent du même modèle économique. La prise d’un engagement à l’égard du travail décent, tel que le définit l’Organisation internationale du Travail (OIT), peut ouvrir la voie à l’instauration d’un modèle économique permettant de s’attaquer en même temps à l’injustice sociale, à la pauvreté et à l’inégalité. En 2013, le gouvernement, les employeurs et les syndicats du Canada ont convenu avec ceux d’autres pays d’établir un ensemble de principes directeurs précisément à cette fin. Il est temps de mettre ces principes en pratique pour lutter contre les changements climatiques au Canada.

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Au Canada, une alliance de groupes syndicaux, écologistes, confessionnels, de jeunesse, de défense de l’intérêt public et de membres des Premières nations s’est formée sous le nom de Réseau pour une économie verte afin de mettre en pratique les principes en question en incitant à la création d’un million d’emplois verts au Canada d’ici cinq ans.[1] L’alliance Bleu Vert Canada rassemble elle aussi des groupes syndicaux et environnementaux désireux de s’attaquer aux mêmes problèmes.

La création d’un million d’emplois verts permettrait à la fois de réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) et de créer des emplois qui paient bien en même temps que l’on lutte contre les effets immédiats d’événements climatiques tels que les feux de friches, les inondations, les sécheresses et la déforestation. Il doit y avoir un investissement public dans quatre domaines prioritaires :

Énergies propres et renouvelables – En investissant 18,8 milliards de dollars en cinq ans dans les énergies renouvelables d’exploitation publique (p. ex., solaire, éolienne et géothermique), le Canada pourrait créer 235 247 années-personnes d’emploi2 et en même temps réduire ses émissions globales de GES de 43,7 à 76,2 millions de tonnes (Mt)3 ;

Efficacité énergétique / bâtiments verts – En investissant 24,2 milliards de dollars en cinq ans pour accroître le rendement énergétique des bâtiments (résidentiels, commerciaux et publics) au Canada, nous pourrions créer 359 141 autres années-personnes d’emploi et en même temps réduire les émissions globales canadiennes de GES de 26,1 à 101,4 Mt;

Transports en commun – En investissant 21,6 milliards de dollars dans l’amélioration et l’expansion des transports en commun au sein de nos villes, nous créerions 273 993 autres années-personnes d’emploi, qui contribueraient à une réduction supplémentaire des émissions de GES de 13,8 à 24,2 Mt;

Trains à plus grande vitesse – L’investissement de 10,4 milliards de dollars pour commencer à stimuler la construction de réseaux de trains à plus grande vitesse afin de transporter passagers et marchandises entre les villes dans des corridors urbains (p. ex., entre Windsor et Québec, Edmonton et Calgary, et Vancouver et Seattle) nous permettrait de créer 131 619 autres années-personnes d’emploi en réduisant initialement les émissions de GES de 1 à 5,2 Mt.

Le gouvernement fédéral du Canada pourrait créer, de concert avec les provinces et les municipalités, un million d’emplois verts en réduisant les émissions de GES de 84,6 à 207 Mt par année, soit plus de 25 % des émissions annuelles moyennes de GES du Canada. Présenter un plan à cette fin en 2016 préparerait le terrain et inciterait le Canada à atteindre des objectifs plus ambitieux d’ici 2030. De plus, cela allégerait le fardeau du changement que l’industrie canadienne serait appelée à porter à court terme et à moyen terme.

Le tableau suivant résume les calculs :

     Milliards       des années     Réductions des
en 5 ans         personnes      émissions de GES                                                                  d’emploi          (MT CO2eq)

Énergies renouvelables               $18.8            235,247       43,7 a 76.2
modernisation de bâtiments    $24.2            359,141       26.1 a 101.4
Transports en commun                $21.6            273,993       13.8 a 24.2
Trains à plus grande vitesse       $10.4           131,619        1.0 a 5.2

TOTAUX pour 5 ans                        $74.9         1,000,000       84.6 a 207 MT par année

Une dépense de 74,9 milliards de dollars (15 milliards par année) est ambitieuse, mais il s’agirait d’un engagement financier viable, compte tenu du défi que nous devons relever : ce ne serait que 5 % du budget annuel fédéral. De plus, si un programme « payez tout en épargnant » était appliqué à la deuxième priorité ci-dessus (efficacité énergétique / bâtiments verts), cela pourrait réduire le coût total d’environ un tiers.

Dans le cadre de ce programme, des prêts visant à couvrir les dépenses d’immobilisation dans la modernisation des bâtiments seraient fondés sur l’assiette de l’impôt foncier local et ils seraient remboursés en fonction des économies réalisées sur les factures d’énergie. De plus, l’augmentation de l’emploi contribuerait à l’augmentation des recettes fiscales des gouvernements de tous les ordres. Des recettes supplémentaires pourraient être dégagées par l’élimination échelonnée des subventions fédérales à l’industrie pétrolière ou tirées d’autres sources de recettes fédérales et provinciales, y compris les taxes sur le carbone.

Le plan de création d’un million d’emplois verts pose les bases d’une lutte contre les changements climatiques qui serait génératrice d’emplois. Il comprend une stratégie de réduction de la pauvreté et de l’inégalité. Après tout, les propositions que nous présentons dans ce document pour créer des emplois devraient être utiles non seulement aux travailleurs et travailleuses déplacés par des industries polluantes mais aussi aux industries qui subissent les effets des changements climatiques, aux personnes en chômage, aux travailleurs et travailleuses pauvres, aux membres des Premières nations et aux communautés racialisées.

Ce plan n’est pas la panacée et n’est coulé dans le béton. Il doit faire partie d’un plan plus vaste pour le plein emploi , y compris la réduction du temps de travail, qui permettrait d’assurer une transition quitable. Il doit pouvoir évoluer de façon coopérative grâce à des négociations engagées avec l’esprit ouvert et pleinement transparentes. Commençons donc dès maintenant à agir pour créer un million d’emplois verts.

 

Notes

1 Site Web du RÉV : http://greeneconomynet.ca/fr/.

2 Il s’agit d’emplois directs, indirects et induits. Le calcul du nombre d’emplois créés est fondé sur une formule créée par le Center for American Progress des États-Unis et décrit dans son ouvrage intitulé, Green Recovery: A Program to Create Good Jobs and Start Building a Low-Carbon Economy (La relance verte : programme pour créer de bons emplois et commencer à établir une économie générant peu d’émissions de carbone) [septembre 2008]. Cette formule englobe les emplois créés dans trois catégories par milliard de dollars d’investissement : i) les emplois directs dans le secteur primaire, ii) les emplois indirects dans le secteur secondaire et chez ses fournisseurs et iii) les emplois induits dans le secteur du commerce de détail et celui des services.

3 La méthode de calcul des réductions de GES n’est pas encore arrêtée. Les réductions indiquées dans le présent document (en millions de tonnes – Mt) ont été établies selon la formule qu’emploient les ministères fédéraux à l’égard de chaque milliard de dollars d’investissement public. Chaque calcul est fondé sur deux nombres. Le premier repose sur les preuves observables de réduction des GES découlant des investissements publics du genre en question qui ont été effectués jusqu’à présent alors que le deuxième repose sur une prévision des réductions de GES pour la cinquième année des projets et au-delà de cette année, compte tenu de nombreuses variables. L’indication d’un maximum et d’un minimum de réduction des GES indique ce à quoi il est possible de s’attendre.

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